Quelques histoires d’infiltrations et de balances en Europe depuis quinze ans

Lors du contre-sommet du G7, une personne travaillant avec la police a été démasquée. Cette histoire est loin d’être la première en Europe. Tentative de compilation dans un article, destiné à évoluer, très largement inspiré d’un thread paru sur Twitter.

Il ne s’agit pas d’un « scandale » ou d’une « dérive dangereuse », c’est le fonctionnement normal et routinier de l’appareil de répression. Les indics, les balances, les infiltré·e·s comme les appareils de contrôle et de surveillance sont indispensables au sale taff de l’État qui est de nous contraindre à accepter un monde injuste.

Les techniques d’infiltration, tout comme les recrutements de balances ou d’indics, sont des vieilles techniques policières. Il est d’ailleurs étrange que nous ayons peu de retour de ce type de manœuvres autour du mouvement des Gilets Jaunes. Ne restez pas seul·e avec les menaces, le secret est une arme que les autorités manient avec aisance. Notre force, elle, réside dans la solidarité et l’appui mutuel face aux coups de pressions. Encore une fois il ne s’agit pas d’ouvrir les vannes à la parano : nos lieux ouverts, les contacts avec les autres, la confiance envers des inconnu·e·s avec qui nous partageons des colères, sont des éléments indispensables pour jeter à bas ce système.

Angleterre · 40 ans d’infiltration

L’affaire éclate en 2013 mais ça fait 40 ans que ça dure. Quand un certain Mark Stone alias Mark Kennedy se fait afficher dans un journal anglais en janvier 2011 c’est une pratique longue de 40 ans qui sort au grand jour. L’affaire fait du bruit notamment quand la presse révèle que, pour mener à bien ses infiltrations, la police britannique « a volé les identités d’environ 80 enfants décédés pour établir des faux passeports à leurs noms ». Mark Kennedy avait été utilisé par la DCRI dans l’affaire dite de Tarnac.

Hambourg · 2000, 2009, 2013

Parfois c’est l’accumulation, comme pour la Rote Flora, un squatt autonome de Hambourg qui a connu trois grosses affaires d’infiltration.

Découverte fin 2014 mais infiltrée de 2000 à 2006 et connue sous le pseudo d’Iris Schneider, l’agente de Hambourg a poussé le goût de sa fonction jusqu’à multiplier les escapades amoureuses.

À lire : La Rote Flora squattée par une barbouze (Non Fides, 2014)

La flic infiltrée, Maria Böhmlichen, a cotoyé les militant·e·s sous le nom de « Maria Block », elle est aux manifestations contre la conférence de l’ONU sur le climat à Copenhaghe en 2009, lors des camps ‘No Border’ sur l’île de Lesbos en 2009 et à Bruxelles en 2010

À lire : Nouveau cas de flic infiltrée à la Rote Flora (Le Chat Noir Émeutier, 2015)

Astrid Oppermann, de 2006 à 2013. elle a été au cœur des activités et des projets du squat de la Rote Flora, ce qui lui a permis de se construire une « crédibilité d’activiste » sur le long terme et de s’immerger au sein du milieu pendant des années.

À lire : Une enième flic demasquée dans le milieu autonome (Le Chat Noir Émeutier, 2016)

Lausanne · septembre 2008

Les privées aussi sont des vrais flics : le 12 juin 2008, le reportage de la presse révélait au public qu’un groupe de travail d’Attac-Vaud avait été infiltré, de 2003 à 2004, par une agente de Securitas, se présentant sous la fausse identité de Sara Meylan, pour le compte de l’entreprise transnationale Nestlé. Quelques semaines plus tard, le groupe anti-répression de Lausanne apprenait qu’il avait été gratifié du même genre d’intrusion indésirable.

Sur l’infiltration d’Attac :

Lyon · février 2010

Alors que des sabotages contre la machine à expulser, notemment des attaques de distributeurs automatiques de billet ont lieu, qu’une quinzaine de perquisitions ont lieu à Paris, la SDAT cherche à recruter.

À lire : 22 v’là la SDAT (Rebellyon, 2010)

Paris · janvier 2011

Deux flics viennent voir un squatteur parisien alors qu’il est en garde-à-vue dans les locaux de la brigade criminelle. On est quelques temps après la réforme des retraites et cette proposition arrive au moment où se suivent les incarcérations en lien avec la lutte contre la machine à expulser. Les flics proposent de la thune contre des infos ainsi qu’un CDD de six mois (trois mois avant et trois mois après le G8 de Nice en 2011).

Lyon · 2011

Ce pourrait être une rencontre banale. Une discussion dans un hall d’hôtel de Lyon. Sauf que les deux protagonistes font partie de mondes qui sont sensés s’opposer. D’un coté, un activiste, militant anti-fasciste de premier plan. De l’autre un agent de la DCRI. C’est lui qui a convenu du rendez-vous. Il n’y a pas de cadre légal, c’est juste une discussion. Ça parle de l’actualité lyonnaise fafs/antifas, des questions sont posées sur les derniers squats publics ouverts, entres autres...
Petit retour en arrière. Courant 2011, un militant est convoqué au commissariat. L’appel n’explique pas les motivations. L’intéressé s’y rend et tombe sur un agent de la DCRI. Pour commencer le deal parait simple, un échange de "bons procédés" : lui accepte d’être en liaison avec la DCRI et les flics, de leur côté, lui fourniront quelques renseignements utiles à l’occasion (« attention tel jour ne sort pas de chez toi, il y a des fascistes en planque dans le coin »). Un téléphone portable est remis au jeune homme. Il accepte. En tout cas il ne dit pas non.

Belgique · juin 2011

Des types douteux qui leur proposaient sans détours de filer des informations sur le mouvement anarchiste et qui cherchaient à les faire chanter

Paris · septembre 2011 et juin 2012

Un copain harraga, fraîchement débarqué suite à l’éviction de Ben Ali. L’offre, 2000€, des papiers et un logement.

À lire : La police tombe sur un os (Indymedia Nantes, 2011)


Le même pote en septembre 2012 toujours à Paris se reprends un coup de pression.

ZAD de NDDL · novembre 2011

Le contrôle d’identité est un prétexte pour choper un numéro. Pression et offre. L’offre : Un tel et des cacahuètes

Grenoble · avril et novembre 2012

Un contrôle d’un taggueur. Une photo d’une balade anti-électorale lui est montré, il apparaît au loin mais malheureusement sur la pellicule malgré tout. Les sbires lui demandent de s’expliquer et de balancer des noms.

À lire : Grenoble : Anti PouKav (Indymedia Grenoble, 2012)

Encore à Grenoble en novembre de la même année, tabassage pour foutre la pression mais le copain ne lâche rien.

Italie · décembre 2012

Accosté dans la rue par des inconnnu.es aux propositions plus que louche

À lire : Italie : Je crache sur l’offre de service (Cette semaine, 2013)

Bruxelles · début 2013.

Une journaliste qui n’en est pas une, et qui est une vrai recruteuse, tient ce discours :

« Dans l’entretien de la fois passé, j’ai constaté que tu n’es pas un danger de l’État. Nous ne recherchons pas des personnes comme toi. Tes activités militantes restent dans cadre démocratique. Nous n’avons pas de problème avec ça. Tu es une personne intelligente et nuancée. » Mais : « Tu connais des gens qui s’enferment du monde extérieur et « se radicalisent », qui ne sont plus raisonnable, qui sont capables de commettre des attentats. Nous voulons savoir qui sont ces gens-là. »

À lire : La sureté de l’État cherche des indics (Cette semaine, 2013)

Paris · avril 2015

La menace reste dans le même le registre : « Chaque remarque pouvait s’entendre comme une menace, comme une tentative de pression. Ils ont menacé de m’afficher en manif, genre « merci pour les pour les infos mon pote »

À lire : Les RGS s’invitent à une perquiz’ (Indymedia Nantes, 2015)

Namur · avril 2015

Un accident de la route et, à l’hôpital, débarquent quatre flics, ils veulent des informations sur des personnes du groupe.

À lire : Face aux flics, « Rien à déclarer » encore et toujours (Le Chat Noir Émeutier, 2015)

Bruxelles · octobre 2015

Une personne a été approchée par la Sûreté d’État afin de la recruter comme indicateur. Cette fois-ci, les renseignements recherchés par les voies perfides de la délation portent sur la lutte en cours contre la construction de la maxi-prison.

À lire : La Sûreté d’Etat à la recherche de mouchards (Indymedia Bruxsel, 2015)

Notons qu’en Belgique on ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit de chercher des noises aux réfractaires à leur ordre mortifère.

Roanne · mai 2015

Caramba encore raté ! Déclaration osée de la flicaille à la personne approchée : « je sais beaucoup de choses depuis 2012 je sais ce que vous pensez, je sais que vous êtes anti-flic, on n’est pas obligés d’aimer tout le monde, d’ailleurs moi non plus je ne vous aime pas »

Saint-Denis · 2018

Lors d’une AG d’occupation de la fac Paris 8, un flic est débusqué et tout son matériel est récupéré : boitier d’enregistrement avec carte SD, caméra, micro, sacoche et prise de notes.

France · 2018-2019

Les services de renseignement s’intéressent de près aux volontaires français ayant rejoint le Rojava. Parmi celles et ceux qui sont revenus en France, une balance : Abdourahmane Ravachol, alias Abdourahmane Kurdî, alias Pîling. Dans un texte, un volontaire qui l’a connu raconte :

Et si seulement la farce que tu es s’arrêtait là… Mais non. Il ne te suffisait pas d’être un mytho vantard, il a fallu en plus que tu sois une balance. Plus qu’une balance d’ailleurs, un indic objectif de la DGSI. Et ça, pour nous volontaires internationalistes et militants révolutionnaires, c’est impardonnable. Tu as d’abord reconnu avoir quelques étroits contacts avec les renseignements. Puis en te poussant un peu, on s’est vite aperçu que tu les gratifiais d’un rapport hebdomadaire pendant que tu étais au Rojava. Il a fallu te piquer ton téléphone pour tomber sur les mails que tu envoyais à ton « commandant » comme tu l’appelais. Finalement, au vu des témoignages recoupés, et des ennuis que nos différents camarades ont eu à leur retour en France, l’évidence est apparue : tu nous as tous minutieusement balancé aux flics, tout en jouant ton double jeu de bon camarade en nous alertant que « les renseignements s’intéressent à vous de près ». Merci vraiment, heureux de le savoir. Cela aurait peut-être moins été le cas si tu n’avais pas balancé tous les détails de notre formation, de nos organisations, de nos identités… Et sans vergogne, tu continues pourtant à fanfaronner dans les médias à chaque occasion qui se présente à toi.

Si se battre pour la liberté est un crime, l’innocence serait vraiment le pire de tout.

P.-S.

Merci encore @MuArF qui a compilé la plupart des informations que nous avons ici mis en forme.

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